Pardès
By nathan on 18 mars 2020
Pour comprendre la portée quadruple des Écritures Sacrées
L’habitude quasi-quotidienne de lire les Écritures est fondamentale pour comprendre les Écritures Sacrées. Certains se plaignent qu’ils ne comprennent rien quand ils lisent les Écritures Sacrées. Certains disent que ces Ecrits n’ont pas de sens pratiques et qu’il n’est plus possible de comprendre ces Textes Antiques.
J’ai passé toute ma vie à chercher la Vérité, j’ai lu de nombreux volumes sur des sujets à caractère philosophique, religieux ou simplement spirituel et jamais je n’ai trouvé de réponses claires à mes interrogations. Mais le jour où je me suis arrêté à lire sérieusement les Écritures Sacrées, même des versions de bible si imparfaites, alors le jour où j’ai commencé à examiner ma vie en rapport avec les principes enseignés par les Écritures Saintes, j’ai remarqué une différence et un changement substantiel. Ma vie devenait meilleure indépendamment de la religion que je pratiquais, du clergé, des philosophes et des bien pensants. Les Écritures Sacrées sont un tout en elles-mêmes. La lecture régulière des Écritures Sacrées a eu un impact sur mes pensées, sur ma manière de vivre, ma famille, mes enfants, la moralité, la justice, la droiture, la richesse, la pauvreté, la santé et la maladie, le bonheur et le malheur.
Je ne suis pas un homme différent ni meilleur ou plus intelligent que d’autres êtres humains et je peux affirmer que je suis bien heureux de comprendre ce que j’ai appris et compris de ces Textes Sacrés. Mais cela ne s’est pas fait facilement ni simplement.
Il est écrit: Heureux l’homme ou la femme qui ne suit pas l’exemple des impies, ni ne se dirige dans la voie des égarés, ni au siège des rieurs ne s’assied. Mais se plaît à lire la “Tora” תּוֹרָה de “Yévé” יְהוְה , et retourne en ses pensées Sa Doctrine jour et nuit! (Paroles magnifiques 1: 1-2 Psaumes)
J’ai appris qu’il y avait une forme multiple de lire Écritures Sacrées. Une manière qui conduit à de multiples variantes, qui ouvrent l’intelligence vers une plus grande compréhension du Message Céleste destiné aux êtres humains, afin de leur ouvrir l’esprit à la Lumière d’en Haut. Utilisé dans l’expression «sens anagogique», désigne en exégèse le sens le plus élevé et le moins évident des Écritures. Chiffré par des symboles, ce sens anagogique conduit au Céleste. En lisant dans le Séfèr Zohar un mot revenait souvent dans une allusion d’interprétation des Écritures. Ce mot est «anagogique». L’anagogie (du grec anagogikos élévation) est une notion ascétique qui désigne l’élévation de l’âme vers les Choses Célestes, et en exégèse, l’interprétation d’un texte qui cherche à passer du sens littéral vers un sens spirituel ou mystique.
La manière de lire les Écritures Sacrées n’a pas été inventée par des exégètes des Écritures Sacrées (quelqu’un de familier dans l’interprétation philosophique et doctrinale des textes sacrés), ni par les Prophètes qui les ont écrites, mais par le Révélateur qui les ont poussés à écrire de cette manière.
Aujourd’hui, il m’est moralement nécessaire de partager les différentes techniques qu’il faut utiliser pour apprendre et comprendre les Textes Sacrés. D’abord il faut avoir en nous le véritable désir de les comprendre. Écritures Sacrées, contrairement à ce que les gens pensent, n’est pas un mystère. C’est comme visiter une grande maison avec beaucoup de pièces, chaque chambre, chaque corridor, chaque salle de séjour et leur utilisation et, connaître sa structure architecturale, l’époque, les matériaux, etc.
Les Écritures Sacrées possèdent une structure, ses architectes, son époque, sa portée dans le temps, ceux et celles que cela concernent dans le temps d’hier et d’aujourd’hui et aussi ceux et celles de demain. Le véritable Auteur des Écrits Sacrés, bien au-delà des Prophètes qui Lui ont servi de canal pour écrire ces textes, avait un Plan bien détaillé, un But bien précis.
Il y a quatre manières de lire les Textes Sacrés.
Par les quatre façons de lire les Écritures, il faut entendre les quatre manières ou niveaux de lecture que proposent, bien au-delà du judaïsme et du christianisme, les Prophètes inspirés.
Pour se familiariser avec les quatre façons révélatrices de lire les Écritures, il faut développer une sensibilité intuitive qui ne s’acquiert que par la lecture fréquente de tous les jours ou presque.
J’ai lu il y a une quarantaine d’années un texte qui m’a beaucoup parlé et qui disait: Il faut connaitre la manière des Prophètes d’écrire les Écritures. J’ignorais totalement ce à quoi cet auteur faisait référence, mais je pouvais comprendre la légitimité de cet énoncé.
Puis, avec les années, le temps passa, je commençais à connaître les Écritures et je pouvais ainsi les relier ensemble. Les connections entre les Écritures augmentèrent en moi la compréhension de ces textes. Puis un jour j’ai découvert le PaRDeS.
Ces quatre manières du Pardès sont appelées:
1- Pshat, 2- Remez, 3- Derasch, 4- Sod – ou PRDS ou encore selon le mot hébreu PaRDeS – dans la tradition judaïque;
Pé פ PSHAT, le sens premier, c’est-à-dire le sens littéral du texte qui traite du monde sensible et physique. C’est l’histoire racontée par les Prophètes selon les événements qui se sont produits. La plupart des gens se limitent à ce niveau, ne voyant rien d’autre que l’histoire.
Resh ר REMEZ, c’est-à-dire l’allusion / l’insinuation qui consiste en un degré plus élevé de l’étude; ce niveau élève le Nefesh (l’âme). Comprendre par l’exemple.
Daleth ד DERASH, c’est-à-dire l’interprétation figurée; interprétation qui est la parabole, la légende, le proverbe, l’image et l’allégorie;
Sameck ס SOD, le sens révélateur du Secret: c’est-à-dire le Mystère, qui consiste dans le niveau caché traitant de la révélation des réalités surnaturelles, secrètes et mystérieuses.
La technique des quatre manières de lire les Écritures a été largement utilisée et appliquée dans les temps anciens et plus tard dans la période du Moyen Âge, à une époque où les Écritures Sacrées n’étaient accessibles qu’aux clercs et en latin, et où l’on avait besoin d’une interprétation codifiée pour interpréter les Textes Sacrés. Elle a été abandonnée progressivement à la Renaissance du fait de la forte diffusion des textes, permise par l’invention de l’imprimerie. On assiste malheureusement alors à une simple utilisation et à la réduction à la manière littéral seulement, tant chez les protestants que chez les catholiques. Ainsi a été perdu l’approche la plus extraordinaire de lire et comprendre les Écritures Sacrées qui élève l’âme humaine vers des sommets que seuls permets les quatre manières de les lire.
De nombreux exégètes ont utilisé les différentes manières d’étudier les Écritures Sacrées, dont voici quelques exemples.
Les quatre manières ont été exprimées en vers par Augustin de Dacie (mort en 1282):
Littera gesta docet, quid credas allegoria,
Moralis quid agas, quo tendas anagogia.
Ce qui signifie:
La lettre instruit des faits qui se sont déroulés,
L’allégorie apprend ce que l’on a à croire,
La manière morale apprend ce que l’on a à faire,
L’anagogie apprend ce vers quoi il faut tendre et s’élever.
Origine: le judaïsme
La technique des quatre manières est pratiquée dans la tradition hébraïque pour l’étude de la Tora.
La Tradition hébraïque du temps des chrétiens fut réprimée au Moyen Âge, car elle était considérée comme une source d’occultisme ésotérique.
La question de savoir si l’herméneutique des quatre manières de comprendre les Écritures est une transmission du judaïsme au christianisme ou une influence postérieure du christianisme sur le judaïsme est débattue. Gershom Scholem, l’un des plus grands spécialistes de la kabbale, penchait pour une influence chrétienne.
Transmission au christianisme
Selon Henri de Lubac, Origène (185–254), formé à l’école philosophique d’Alexandrie, il a été le premier à formuler la pratique des quatre manières de lire les Écritures dans la tradition chrétienne. Ces manières servaient à interpréter l’Écriture lors de la prière, comme l’indiquait Origène en 238 dans une lettre en grec à son disciple Grégoire le Thaumaturge, qui se préparait à partir en mission de prosélytisme. Il l’exhorte à se consacrer à l’étude des Écritures par la Lectio Divina:
Consacre-toi à la lecture des Écritures divines. Applique-toi à cela avec persévérance. En te consacrant ainsi à la lectio divina, cherche avec droiture et une confiance inébranlable en Élohim, les manières de lire les Écritures Sacrées, qui y sont renfermées en abondance.
Le passage de l’Exode (1.6-7) qui dit: « Yossef décéda (…) et les fils d’Ysraël grandirent et se multiplièrent. »
- La manière littérale (physique, historique) est: Joseph est décédé, puis les descendants devinrent une grande multitude;
- La manière mystique (spirituelle, allégorique) est: le décès de Yossef annonça longtemps d’avance celui de Yéshoua, décédé pour que l’Assemblée Messianique s’étende sur la Terre;
- La manière morale (qui édifie les âmes): le décès du Crucifié se répercute dans l’âme de chaque chrétien dont elle fait proliférer la foi (Homélies sur l’Exode, I, 4).
Les quatre figures se trouvent réunies, si bien que la Yéroushalaïm (Jérusalem) pourra revêtir quatre manières différentes de la voir et la comprendre:
- À la manière historique, elle sera la cité des Hébreux en Ysraël;
- À la manière allégorique, l’Assemblée Messianique partout dans le monde;
- À la manière tropologique, l’âme humaine;
- À la manière anagogique, la Cité Céleste, Lieu où se retrouveront les Élus Célestes.
L’usage de la Technique des quatre manières a été repris par Jérôme, Augustin, Bède le Vénérable, Scot, Origène.
Les quatre manières ont été formulés au Moyen Âge dans un distique latin: Littera gesta docet, quid credas allegoria, moralis quid agas, quo tendas anagogia: la lettre enseigne les faits, l’allégorie ce que tu dois croire, la morale ce que tu dois faire, l’anagogie ce que tu dois viser.
Il s’est particulièrement développé lors de la Renaissance du XIIième, avec l’introduction de la philosophie d’Aristote en occident, la naissance de la théologie scolastique, et la naissance des universités. C’est au XIIième siècle que la doctrine des quatre manières de lire les Écritures, qui préconise une interprétation multiple du texte de la bible, atteint son apogée.
Abandon progressif à partir de la Renaissance
Avec Luther, après une période (1515-1516) où il fait un usage propre à lui de la théorie des quatre manières, on abandonne les quatre manières traditionnelles en 1519. Mélanchton déconstruit également les quatre manières. Les réformés, en général, vont abandonner la lecture selon les quatre manières, lui préférant la lecture littérale seulement. Un mouvement similaire s’amorce dans le monde catholique, mais la lecture selon les quatre manières est encore attestée au XVIIe siècle, dans le prologue du commentaire sur l’ensemble de l’Écriture du jésuite Cornélius a Lapide, et le distique d’Augustin de Dacie par Menochius. Aux XIXe et XXe siècles, le système est tombé en désuétude dans l’herméneutique (qui signifie expliquer, interpréter, traduire).
Michel-Alain Lemire